Conclusion
Il faudrait être bien naïf, ou bien prétentieux,
pour estimer que les pages qui précèdent ont fait le point, complet
et définitif, sur l'ensemble des problèmes, très complexes,
qui se posent à propos des rapports entre le rayonnement naturel et le
milieu forestier. La forêt française recouvre près de 12
millions d'hectares, soit 21 % de la surface du territoire de notre pays. La
forêt du monde s'étend sur près de 4 milliards d'hectares,
c'est-à-dire sur le tiers de l'ensemble des terres émergées.
Son faciès varie des massifs équatoriaux, denses et luxuriants,
aux toundras nordiques, clairiérées et faméliques. Plusieurs
centaines d'espèces principales s'y rencontrent, sans compter toutes
les espèces secondaires. Quelques centaines de chercheurs ont commencé,
très partiellement, à prospecter, du point de vue photologique,
ce très vaste domaine et l'on vient de tenter, très imparfaitement
du reste, d'analyser certaines de leurs observations. On pourrait donc, à
juste titre, être effrayé par l'ampleur des recherches à
poursuivre, et la multiplicité des phénomènes mis en cause.
Et cependant, quels progrès sont déjà accomplis !!! :
- on dispose d'un certain nombre d'appareils, peut-être
pas encore très précis, mais assez pratiques, qui permettent de
mesurer le pourcentage de rayonnement absorbé par les cimes de certains
peuplements, ou celui qui parvient au sol ;
- on a pu caractériser la façon dont le rayonnement
s'affaiblit en pénétrant dans le couvert, et déterminer
comment il se répartit au sol, dans des ouvertures de dimensions et de
formes variées. On a également commencé à étudier
la modification de la composition de ce rayonnement, quand il est filtré
par certains feuillages ;
- on a trouvé que la majorité des espèces
en étude (en nombre encore très réduit, il faut bien le
reconnaître), même si elles sont considérées comme
des " essences d'ombre typiques ", bénéficiaient cependant,
dans de larges limites, d'un apport de radiations très supérieur
à celui que l'on observe dans les stations où elles s'installent
naturellement ;
- on a tenté de distinguer le comportement des espèces résineuses, la plupart du temps insensibles au rayonnement latéral (sauf pendant leur toute première jeunesse) de celui des espèces feuillues, qui restent pendant la majeure partie de leur existence soumises à l'influence de ce rayonnement ;
- on a établi certaines liaisons entre
la densité des peuplements, la quantité de rayonnement absorbé
par les cimes, et l'accroissement annuel en volume des arbres qui les composent
;
- on a mieux compris dans quelles directions
doivent se poursuivre les recherches pour permettre à l'essentielle photosynthèse
de mieux s'accomplir, entraînant une production ligneuse accrue, et de
qualité supérieure : action sur le sol (engrais, alimentation
en eau) permettant à l'arbre de mieux utiliser le rayonnement solaire
- choix des variétés qui, grâce à certaines particularités
physiologiques, ont un " coefficient d'utilisation du rayonnement "
normalement élevé - méthodes culturales qui favorisent
l'ensemble des phénomènes de nutrition carbonée, en réduisant
l'action, souvent ralentissante, du rayonnement latéral sur l'élongation
et le développement de la tige. Beaucoup de ces directions de recherches
sont, évidemment explorées ; mais, jusqu'ici d'une façon
fragmentaire et utilitaire directe (on étudie par exemple la question
,des engrais parce que l'on constate, souvent, que certaines doses de minéraux
ont, sur certaines espèces, un effet favorable). Mais si l'on change
de point de vue, si l'on élargit la perspective à la dimension
globale réelle : l'arbre est fait surtout d'air, d'eau et de rayonnement
solaire et tous les efforts doivent tendre à activer ce phénomène,
et à réduire les influences défavorables qui peuvent, en
certaines de ses phases, jouer le rôle de " goulot d'étranglement
", on découvrira une foule d'essais à effectuer, une multitude
de points de vue originaux, dont la prise en considération contribuera
à construire la sylviculture de demain.
Certes, la connaissance absolue n'est pas à la portée des chercheurs forestiers, ni des autres du reste : " pour comprendre rigoureusement le centième de pouce d'un brin d'herbe, il faudrait comprendre tout l'univers " disait, paraît-il, EINSTEIN. Mais entre cette connaissance absolue, et l'ignorance totale, il existe de nombreux paliers, et les travaux des photologues forestiers permettront, certainement, aux sylviculteurs, d'en franchir quelques-uns.