Effets du rayonnement naturel sur la nutrition carbonée, la respiration et la transpiration
Il n'y a pas très longtemps que le rôle primordial joué
par le rayonnement solaire dans la nutrition carbonée des végétaux
à chlorophylle a été mis en évidence. Les anciens
auteurs avaient bien remarqué que l'ombre des grands arbres était
peu favorable à la croissance des plantes diverses qui étaient
situées sous leur couvert, mais ils attribuaient cet effet, non à
l'absence de lumière, mais à une influence, spécifiquement
nuisible, de cette ombre. PLINE L'ANCIEN, tout à fait au début
de notre ère, expose très nettement cette opinion dans son "
Histoire Naturelle ", livres XVI et XVII: " Iuglandium quidem pinorumque
et picearum et abietis quaecumque attingere non dubie venenum " (En
tous cas, l'ombre des noyers, des pins, des épicéas et des sapins
est incontestablement un poison pour tout ce qu'elle touche). C'est sans doute
dans ce sens (celui de la nocivité propre de l'ombre), qu'il faut interpréter
les appréciations des forestiers français jusqu'à la fin
du XVIIIe siècle, sur la nécessité de mettre
en lumière les renaissances naturelles.
À cette époque, les travaux de PRIESTLEY, d'HINGENHOUSZ et de SENEBIER notamment, démontrèrent avec évidence que la lumière était indispensable à la nutrition et à la croissance de la plupart des végétaux. Mais les praticiens, forestiers et surtout agriculteurs, ne comprirent pas, immédiatement, l'importance exceptionnelle de ces découvertes. Vers le milieu du XIXe siècle, un agronome allemand éminent, THAER, affirme encore : " que l'humus est
une partie constituante, plus ou moins importante
du sol ; la fécondité du terrain dépend, à
proprement parler, entièrement de lui. Car, si l'on excepte l'eau, c'est
la seule substance qui, dans le sol, fournisse un aliment aux plantes ".
Selon ces conceptions, qui constituaient la théorie de l'humus, le carbone,
présent en abondance dans toutes les plantes, provenait d'une combinaison
de l'acide humique du sol avec diverses bases, la chaux en particulier, et était
absorbé principalement sous forme d'humate de chaux.
Il a fallu les remarquables travaux de LIEBIG,
et en particulier la publication de son importante étude : "
La chimie organique appliquée à l'agriculture et à la physiologie "
(1840), pour restreindre considérablement le rôle de l'humus dans
les pratiques agricoles et forestières, et pour mettre en évidence
l'influence primordiale de l'énergie lumineuse.
Au centre du phénomène de la nutrition carbonée est placée la molécule de chlorophylle, de composition bien connue : C55H72O5N4Mg, pour la plus commune (forme a). Son caractère distinctif essentiel est l'atome de magnésium entouré de 4 atomes d'azote. À côté de la chlorophylle a, on rencontre une chlorophylle b de formule légèrement différente, associée à d'autres pigments plus simples, les carotènes et les xanthophylles. Toutes ces molécules sont rassemblées dans des " granas ", contenus eux-mêmes dans de très nombreux " chloroplastes " (plusieurs millions par centimètre carré de surface de feuille). La figure 21 représente, en coupe, une feuille de chêne pédonculé développée à la lumière réduite (TRONCHET & GRANDGIRARD - 1956). Les chloroplastes sont localisés dans les cellules du parenchyme palissadique. Le rayonnement solaire, constitué d'un très grand nombre de photons (3 à 4.1021 par centimètre carré et par jour moyen) " excite " les molécules de chlorophylle (Voir page 12), qui, en restituant par palier l'énergie acquise, permettent la scission des molécules d'eau, absorbées dans le sol, en hydrogène et en oxygène, et la fixation de l'hydrogène sur le gaz carbonique puisé dans l'air, pour former principalement des glucides (du type: glucose, amidon, cellulose, etc . . . ).
Ceci est l'analyse simplifiée de l'activité
photosynthétique des végétaux à chlorophylle, mais
on sait que des réactions intermédiaires, faisant intervenir des
atomes de phosphore notamment, conduisent, en définitive, à la
synthèse de la plupart des substances organiques indispensables à
la vie des organismes supérieurs. Par ailleurs, seule une partie de la
réaction nécessite un apport de radiations (Fig.
10), le surplus se déroule très bien à l'obscurité.
Voici, d'après CALVIN (Prix Nobel 1961), un schéma simplifié des réactions qui se déroulent à l'intérieur des cellules renfermant les chloroplastes :
(A multiplier par 12 pour intervention dans la réaction suivante) |
On utilise souvent la formule simplifiée suivante qui permet de mettre en évidence les principaux éléments utilisés, mais ne rend pas compte de l'origine hydrique de l'oxygène rejeté :
On trouvera des exposés très
détaillés des processus mis en cause, dans les ouvrages de RABINOWITCH
(1945-1951), CALVIN & col. (1951), MOYSE (1952), BUVAT (1954), notamment.
La respiration, générale chez tous les êtres vivants (hommes, animaux, végétaux), est un processus de mobilisation de l'énergie, par lente oxydation des matières organiques synthétisées par les plantes vertes. Ces dernières n'échappent pas à cette règle, et ce processus se déroule, schématiquement, en sens inverse de la réaction indiquée ci-dessus (libération de 675 K.cal pour 180 gr de glucose oxydé).
On admet, en général, que les
végétaux ne réutilisent guère, de cette façon,
que 10 à 20 % des matières qu'ils ont préalablement
synthétisées ; cependant, dans certains cas (jeunes arbres
de haute montagne passant une partie de leur vie sous la neige), cette proportion
peut atteindre 35 à 40 % (TRANQUILLINI - 1959). Cette énergie
est utilisée pour divers besoins des plantes (réactions chimiques,
phénomènes électriques, thermorégulation, croissance
et mouvements, etc...). On est un peu revenu de l'opinion, émise autrefois
par d'excellents auteurs, qui avançaient que la respiration des végétaux
était un phénomène inutile, et même nuisible. Cependant,
certains physiologistes continuent à penser que, en matière forestière,
les phénomènes respiratoires dépassent largement, en intensité,
ce qui serait strictement nécessaire à leur vie et à leur
croissance (DADYKIN - 1964).
En ce qui concerne la photosynthèse
et la respiration des végétaux ligneux, des études très
poussées sont effectuées depuis une vingtaine d'années
dans divers Instituts Botaniques, ou Stations de recherches forestières,
grâce a des appareils dont beaucoup se rapprochent de l' " Ultrarot
Absorptionschreiber " (U.R.A.S. des auteurs de langue germanique,
et I.R.G.A. des auteurs de langue anglaise). La figure 22 le représente
schéma d'installation, en laboratoire, d'un tel type d'appareil et qui
va sommairement être décrit :
A la partie supérieure du dessin est
indiquée une source de lumière, donnant un éclairement
réglable, et qui peut atteindre 50 000 lux au maximum, avec un bac d'eau
distillée pour le refroidissement, et avec un filtre spécial destiné
à retenir les rayons dont l'effet est purement calorifique. On ne peut
travailler à proximité de cet appareil que muni de lunettes protectrices.
Dans la partie centrale sont placés
les rameaux, pourvus de feuilles ou d'aiguilles, prélevés très
récemment sur les espèces à étudier, et qui sont
alimentés en eau pendant toute la durée de chaque expérience.
Les cuvettes, transparentes ou opaques, qui les contiennent sont maintenues
à une température chaque fois bien déterminée.
À la partie inférieure, est l'analyseur de gaz proprement dit. L'air, ayant été au contact des végétaux en expérience, et enrichi plus ou moins en gaz carbonique, est soumis à un rayonnement infrarouge qu'il absorbe partiellement. Le surplus arrive à une chambre à gaz, et de la dilatation de celui-ci, amplifiée électroniquement, et inscrite sur un enregistreur continu, on déduit les variations des phénomènes de photosynthèse et de respiration. 4 rameaux peuvent, dans le dispositif reproduit, être étudiés en même temps : 2 pour la seule respiration et 2 pour l'ensemble : photosynthèse/respiration.
FIG. 22 - Installation d'un appareil U.R.A.S.
de laboratoire, d'après un dessin de Mr WINKLER (Institut Botanique
d'Innsbruck). Pour l'observation des végétaux ligneux dans leur
station, seule la partie inférieure de l'appareil est utilisée.
Quand on opère sur des arbres situés dans leur milieu naturel (sujets de petites dimensions placés sous des cloches refroidies - ou rameaux attenants à des arbres adultes, mis dans des cuvettes étanches et climatisées), seule la partie inférieure de l'appareil est utilisée pour l'analyse de l'air, avec une précision généralement admise de ± 3 %. La figure 23 représente le type de résultats que l'on obtient avec l'appareil U.R.A.S., dans le cas du pin arolle des Hautes Alpes Autrichiennes (1900 m d'altitude). Sous 12 000 lux, l'assimilation brute de gaz carbonique commence à -5°C, puis elle s'accroît rapidement jusqu'à +l0 ou +12°C environ, et plus lentement par la suite. La respiration, infime aux basses températures, est majorée de plus en plus quand la température s'élève. Il en résulte une " courbe en cloche " d'assimilation nette, qui culmine vers + 12°C, pour décroître ensuite et s'annuler vers +38°C (température des aiguilles) (TRANQUILLINI - 1955).
FIG. 23 - Assimilation carbonée, brute et nette, et
respiration du pin arolle dans les Hautes Alpes Autrichiennes (1900 m), sous
un éclairement d'environ 12 000 lux (TRANQUILLINI 1955).
Des familles de courbes ont été établies également pour l'épicéa commun de haute montagne (1800 m d'altitude) et de basse montagne (600 m d'altitude). La figure 24 représente les résultats obtenus dans ce dernier cas. On remarque que la photosynthèse nette augmente régulièrement avec l'intensité de l'éclairement, et que la température optimale se déplace en même temps. Ainsi, sous 3000 lux, cette température optimale est de +10°C environ. Sous 10 000 lux, la température optimale est voisine de + 15°C, et sous 30 000 lux, elle atteint + 18°C environ. La quantité de gaz carbonique assimilé passe de 0,8 mg/gramme d'aiguilles sèches/heure, à 2,65 mg, aux éclairements les plus élevés (PISEK et WINKLER 1959).
FIG. 24 - Variations, en fonction de la lumière et de la température, de l'assimilation nette et de la respiration, chez l'épicéa commun de basse altitude (600 m) - (PISEK et WINKLER 1959).
Les aiguilles d'ombre (développées
à l'intérieur des cimes, ou dans les parties les moins bien éclairées
habituellement de l'extérieur de celles-ci) ont une assimilation nette
supérieure (+25% environ) à celle des aiguilles développées
en pleine lumière, par unité de poids sec. Selon LARCHER (1969),
ceci est dû à une modification de la structure de ces aiguilles,
et à une forme un peu différente.
Si l'on compare les résultats ci-dessus
avec ceux obtenus sur la variété d'épicéa commun
de haute montagne, développé sous des conditions climatiques plus
rigoureuses, et sous une lumière moyenne plus élevée, on
observe de façon constante que les aiguilles du second sont moins actives,
d'environ 10%, par unité de poids, et sous un éclairement identique.
Ce qui correspond certainement à une adaptation, de l'espèce de
haute montagne, aux conditions particulières de son habitat.
Il est à noter que le pin arolle, comme
l'épicéa commun, qui conserve ses aiguilles pendant plusieurs
années, est susceptible de manifester une activité photosynthétique
notable, en n'importe quelle saison, pourvu que certaines conditions de lumière
et de température soient remplies. Mais il semble cependant qu'en lumière
égale, leur capacité d'assimilation carbonée soit un peu
plus forte pendant la belle saison, qu'en hiver (PISEK & WINKLER - 1959,
TRANQUILLINI - 1955). Le froid intense peut ralentir, de façon durable,
cette activité.
Les résineux à aiguilles caduques
(le mélèze en particulier) ont, à égalité
de poids d'aiguilles sèches, une activité photosynthétique
très supérieure (de 3 à 5 fois) à celle des résineux
à aiguilles persistantes, en lumière égale. La température
optimale d'assimilation nette est, également, plus élevée
chez les premiers que chez les seconds. (Fig. 25).
Ce comportement correspond vraisemblablement
aux conditions de vie du mélèze d'Europe, qui porte des aiguilles
pendant un temps assez court, alors que l'épicéa commun d'altitude,
situé à proximité, conserve ses aiguilles pendant toute
l'année. Ceci fait qu'en définitive, et en conditions égales,
les vitesses de croissance, en hauteur et en volume, ne sont pas très
différentes (PACK - 1967, LARCHER - 1969).
Sur la figure 25 on peut relever la même
différence de comportement entre deux chênes méditerranéens,
l'un à feuilles caduques, l'autre à feuilles persistantes, dans
la région du Lac de Garde (LARCHER - 1961):
Le chêne vert, à feuilles persistantes, a une activité photosynthétique modérée pendant toute l'année, mais plus forte en été (4,8 mg de gaz carbonique assimilé par gramme de feuilles sèches et par heure), qu'en hiver (3 mg de gaz carbonique assimilé par gramme de feuilles sèches et par heure) sous
un même éclairement de 10 000 lux. Le chêne pubescent, à feuilles caduques, dès que l'alimentation en eau est suffisante, manifeste en été une activité photosynthétique nettement plus élevée (plus de 10 mg de gaz carbonique assimilé par gramme de feuilles sèches et par heure, sous 10 000 lux également). La similitude de comportement entre les deux sortes d'arbres, résineux et feuillus, suivant qu'ils conservent ou non leurs appareils foliacés en hiver, est frappante. LARCHER a relevé, en outre, dans le cas du chêne vert (et de l'olivier), une sorte de tendance à la thermorégulation, par modification, inversée en hiver par rapport à l'été, du rythme de leurs activités photosynthétique (captant l'énergie), et respiratoire (libérant cette même énergie).
FIG. 25 - Activité photosynthétique
nette comparée de 2 résineux (mélèze d'Europe
- 1000 m, et épicéa commun 600 m), et de 2 feuillus (chêne
pubescent et chêne vert - Lac de Garde). (LARCHER 1961, PACK 1967).
De toutes façons, l'allure, très généralement, " en cloche " de la courbe représentant l'intensité de l'assimilation chlorophyllienne nette par rapport à la température des aiguilles ou des feuilles, incite à penser que chacune des variétés des principales espèces ligneuses étudiées trouve seulement dans un type de station bien déterminé les conditions les meilleures pour sa croissance. C'est surtout sur le versant des montagnes que l'on enregistre, en lumière extérieure à peu près égale, une lente diminution de la température moyenne de l'air et du sol, donc des aiguilles et des feuilles, en relation avec l'accroissement de l'altitude. On peut ainsi mieux comprendre la présence " d'étages de végétation " (BAUMGARTNER - 1962).
Dans un travail d'ensemble très documenté, LARCHER (1969) donne divers renseignements, malheureusement encore incomplets, sur l'analyse de ces phénomènes telle qu'elle a été effectuée sur une centaine d'espèces d'arbres, par près de 200 chercheurs. Voici, uniquement en ce qui concerne l'Europe Occidentale, quelques-uns des chiffres cités. On a pris comme unité le nombre de mg de gaz carbonique assimilé en une heure, par gramme d'aiguilles sèches (résineux) ou par décimètre carré de feuillage simple face (feuillus), dans les conditions optimales de chaque espèce, et en utilisant des méthodes analogues :
Résineux
|
Feuillus
|
|||
Épicéa commun
|
= 3 à 5
|
Chêne pédonculé
|
= 10 à 11
|
|
Mélèze d'Europe
|
= 9 à 15
|
Chêne pubescent
|
= 13
|
|
Pin arolle
|
= 3 à 4
|
Frêne commun
|
= 20
|
|
Pin sylvestre
|
= 5 à 7
|
Hêtre commun
|
= 10 à 12
|
|
Sapin pectiné
|
= 5 à 8
|
Peuplier euraméricain
|
= 15 à 25
|
|
Peuplier tremble
|
= 20
|
N.B. Il s'agit uniquement des aiguilles
ou des feuilles développées en pleine lumière. On pourra
se reporter également à la figure
50 (Hêtre et Chêne vert)
Comment se présente, d'une façon générale, le bilan de ces deux activités, un peu opposées, de la photosynthèse et de la respiration, et quelle proportion des matières photosynthétisées est pratiquement utilisée pour la croissance de l'arbre ? W. TRANQUILLINI (1959) a tenté une étude de ce genre pour Ie jeune pin arolle de haute altitude (1800 à 1900 m). Voici les résultats généraux qu'il a obtenus, et qui sont matérialisés, du reste, par la figure 26 :
FIG. 26 - Variations, au cours d'une année complète, de l'assimilation brute et nette, ainsi que de la respiration, chez le jeune pin arolle de haute altitude (1800 à 1900 m) (TRANQUILLINI 1959).
En un an, un gramme d'aiguilles sèches
de pin arolle absorbe assez de gaz carbonique pour élaborer 3,60 grammes
de matières organiques. Mais, une partie importante de cet accroissement
potentiel est réutilisée pour la respiration annuelle des aiguilles,
du tronc, des branches et des racines (en équivalent de matières
sèches : 1,37 gramme, soit 38%). La construction même du jeune
arbre utilise en une année 0,65 gramme de matière sèche
(soit 18 %) et, dans ce chiffre, la tige seule n'intervient que pour 0,14 gramme
(soit 4 %). Enfin, 1,58 gramme (soit 44 %) est utilisé chaque
année à des fins diverses (mise en réserve, nutrition des
mycorrhizes associées, secrétions radiculaires, etc ... ). Évidemment,
cet exemple est pris dans des conditions générales très
dures, en raison de la rigueur du climat, de la persistance de la neige et du
temps de fonctionnement réduit des aiguilles. Mais il est intéressant
de relever la part extrêmement faible consacrée, réellement,
par le jeune arbre, à sa croissance apparente.
Souvent étudiée d'une façon
spéciale, la transpiration, ou rejet, en général à
l'état de vapeur, d'eau par les stomates des feuilles des végétaux
(et parfois, un peu du reste, à travers les autres tissus), s'insère
incontestablement dans l'ensemble des activités reliées à
la nutrition de l'arbre. L'eau intervient dans la réaction même
de la photosynthèse (voir page 60) - elle apporte
les matières minérales du sol, dissoutes, et indispensables à
l'élaboration des substances organiques -, elle facilite aussi la circulation
des matières synthétisées, plastiques et oligodynamiques.
La transpiration est donc à la base de tous ces phénomènes
de transfert.
Elle s'effectue principalement, on l'a dit,
par les stomates (Fig. 21), et tant qu'ils sont ouverts, les échanges
gazeux indispensables à la photosynthèse et à la respiration
peuvent s'effectuer. Quand, par manque d'approvisionnement en eau du sol, les
organes foliacés ont tendance à se dessécher, les stomates
se ferment et la plus grande partie des échanges gazeux est arrêtée.
En réalité, les divers tissus de la plante ne sont pas absolument
étanches, aussi bien pour l'eau que pour les gaz, mais comme ces tissus
sont protégés par des formations spéciales (épiderme,
avec la cuticule, suber aussi), les échanges avec le milieu extérieur
sont alors considérablement réduits.
On peut penser également que, d'une certaine façon, les aiguilles et les feuilles jouent un peu le rôle du radiateur d'une voiture automobile. On sait qu'il ne faut pas que ces organes atteignent des températures trop élevées, car leur activité photosynthétique nette est alors considérablement réduite, et ils peuvent même être complètement détruits par l'excès de chaleur. Or, le rayonnement naturel tend constamment à les échauffer. Les aiguilles des résineux ont une surface très faible ; les feuilles, plus larges, rejettent vers le ciel (albédo) une partie des rayons incidents, et en réémettent vers le sol, surtout dans les grandes longueurs d'onde (infrarouges).
Mais tout ceci peut être insuffisant
et la transpiration intervient alors pour réutiliser une partie, souvent
importante, du rayonnement naturel absorbé. Un hectare d'épicéa
commun transpire, par un beau jour d'été, près de 40 m3
d'eau et il utilise, pour cette opération, 2. 1010 calories
environ, soit de 40 à 50 % de l'éclairement énergétique
incident. TRANQUILLINI (1964) a effectué des expériences tout
à fait significatives à ce sujet, au phytotron d'altitude du Patscherkofel,
en utilisant de jeunes mélèzes d'Europe. Leur transpiration, en
conditions normales, peut abaisser de près de 10°C la température
de leurs aiguilles, par rapport à celle des sujets chez lesquels cette
même transpiration avait été fortement ralentie. Dans ces
expériences, la photosynthèse nette des jeunes mélèzes,
transpirant normalement, est 2 à 3 fois plus élevée que
celle des mêmes sujets, à transpiration artificiellement réduite.
Ce genre d'études est très délicat, et encore peu développé ;
cependant, les résultats obtenus paraissent absolument logiques.
Pour conclure cette étude, assez copieuse,
de ces très importants phénomènes de nutrition carbonée,
on peut se poser la question suivante : quel est le rendement énergétique
de la photosynthèse ?
Pratiquement, et en considérant l'éclairement
énergétique moyen reçu en une année par un hectare
de forêt, dans le Nord-Est de la France (1013 calories), et
l'énergie incorporée dans la matière ligneuse sèche
extraite en moyenne, chaque année, sur cet hectare, on obtient un chiffre
faible, soit 0,2%. En Agriculture, GESLIN & BOUCHET (1967) aboutissent,
en suivant le même raisonnement, au même résultat, soit 0,2%.
Mais, si l'on considère l'énergie
réellement absorbée pendant la seule période de végétation
la plus active (de mai à septembre pour les arbres feuillus), et la totalité
de la biomasse produite (troncs, racines, branches et feuillages), on arrive
à des chiffres nettement plus élevés, soit 3, 4 ou 5 %,
parfois même un peu plus (GALOUX - 1963). Le résultat dépend,
évidemment, de la façon dont le problème est envisagé.
Il est à noter aussi que certains chercheurs commencent à utiliser, pour l'étude de la production ligneuse, les méthodes qui ont fait leurs preuves en thermodynamique. La notion d'entropie, en particulier, a été récemment introduite en sylviculture (PRIGOGINE & WIAME, PATTEN - 1959, GALOUX - 1963, FLOROV - 1966 à 1969). Cette voie nouvelle paraît intéressante, à condition de considérer l'entropie comme une notion de mathématique (et plus spécialement de thermodynamique), et non comme un principe un peu mystérieux, ou même métaphysique, ainsi que le voudraient certains esprits trop imaginatifs.