Effets du rayonnement naturel sur la germination
et sur la croissance
Dans une station dont le régime photopériodique est bien déterminé, - et, en matière forestière, c'est la plupart du temps ainsi qu'il faut envisager les choses - l'intensité et la composition du rayonnement exercent une influence sur la germination, et surtout sur la croissance des végétaux ligneux. Les graines (ou les appareils aériens et souterrains, avant la reprise de la croissance annuelle), renferment des matières " plastiques " abondantes (type amidon notamment) et des matières " oligodynamiques " qui agissent à dose très faible et dont il sera parlé plus loin. Cette distinction très importante est faite par DAVID (1952) dans son petit ouvrage consacré aux hormones végétales.
Quelle est l'influence du rayonnement naturel
sur la germination ? CHOUARD (1951) classe les graines en " héliophiles
" (ayant besoin de lumière pour germer) en " scotophiles
" (qui ne germent bien qu'à l'obscurité), et en "
indifférentes ". Approximativement, dans le milieu naturel,
les premières représentent 70 % environ des espèces,
et les secondes 20 %. FLINT & ALLISTER (1937), on l'a dit, avaient
observé que la lumière rouge clair, ou jaune, succédant
de préférence à la lumière rouge sombre, favorisait
la germination.
SHIRLEY (1945), STOUTMEYER & CLOSE
(1946), BACKER (1950), SARVAS (1950) estiment que de nombreuses graines
forestières germent mieux à la lumière qu'à
l'obscurité.
Mais, si l'on compare la lumière
à l'ombre (c'est-à-dire à une lumière,
plus ou moins réduite, mais non nulle, telle qu'elle règne
dans de nombreux sous-bois), on n'observe guère de différence,
ainsi qu'on l'exposera plus loin.
La croissance de certains végétaux,
par contre, au moment de la germination, ou lors de la reprise annuelle
de la végétation, est certainement freinée par une
lumière trop vive. Ce fait est connu depuis longtemps, mais à
ce sujet règne une certaine confusion des idées entre deux
phénomènes très voisins, mais non exactement semblables :
l'allongement, constaté habituellement chez divers végétaux
se développant dans une lumière réduite et équilibrée,
et le phototropisme (appelé autrefois héliotropisme), ou changement
d'orientation des tiges et des rameaux, observé fréquemment
dans une lumière unilatérale.
L'abbé ROZIER (1793), dans son Cours
d'Agriculture, distinguait assez bien l'étiolement, caractérisant
des pousses de blé développées en lumière réduite,
longues et à feuilles décolorées, de l'héliotropisme,
ou changement d'orientation des mêmes pousses sous un éclairement
latéral, et qui se dirigeaient en général vers la lumière.
C'est surtout ce dernier effet qui a été étudié
par de CANDOLLE (1832), puis par C. & F. DARVIN (1881) et par BOYSEN-JENSEN
(1910-1913), pour aboutir à la théorie de WENT (généralement
datée de 1928), laquelle, dans ses grandes lignes peut être
exposée comme suit : la croissance des plantes, rendue possible par
l'afflux des matières plastiques, puis des produits des phénomènes
vitaux de la photosynthèse, est réglée par une hormone
agissant à dose extrêmement faible : l'auxine.
En réalité, on sait qu'il s'agit surtout de l'hétéroauxine (acide ß-indolacétique, isolé en 1933 par KÖGL & col., de formule générale non développée : C10H9O2N, et appelé généralement AIA). Cette hétéroauxine, dans la première théorie de WENT, est déplacée par la lumière vers le côté ombragé (qui en renferme alors environ 70 %), alors que le côté éclairé n'en a plus que 30 %. D'où une croissance différentielle (élongation et multiplication des cellules), entraînant la courbure phototropique.
Il est à noter que, dès
l'année 1914, BLAAUW avait émis l'idée que c'était
la lumière qui atteignait la cellule végétale elle-même,
qui provoquait, sur le côté éclairé, un ralentissement
de ses facultés d'allongement et de multiplication. Certaines
expériences récentes, rapportées par SAUBERER &
HÄRTEL (1959), donnent du crédit à cette hypothèse.
Par ailleurs, postérieurement
à la théorie de WENT, d'autres chercheurs ont mis en évidence,
non un déplacement, mais une inactivation ou une destruction,
par photooxydation, de l'AIA (GALSTON - 1950).
BRIGGS (1964) a tenté une synthèse
de ces diverses théories qui, si elles gravitent autour d'un
type de phénomène identique, n'en sont pas moins un peu
différentes.
Il est à noter que l'action
(dépressive, pour employer un terme général), de
la lumière sur l'hétéroauxine s'exercerait non
directement, mais par l'intermédiaire de substances photosensibilisantes
(les carotènes, et davantage peut-être, les flavoprotéines),
que l'on rencontre fréquemment chez de nombreux végétaux,
et dont le spectre d'absorption (lambda = 0,44 à 0,48µ) est voisin
du spectre d'action dans le phototropisme.
Du reste, l'effet de l'hétéroauxine se manifesterait non seulement dans les phénomènes de croissance proprement dits, mais aussi dans la détermination de la structure générale du végétal, la formation de chaque organe dépendant d'une concentration optimale, chaque fois différente, des tissus en AIA (THIMANN) (Fig. 20). Au surplus, un autre type de phénomène très curieux, le géotropisme (négatif des tiges et positif des racines) paraît être lié à la concentration différente des organes en AIA, selon un processus non exactement élucidé, du reste. Il est à remarquer aussi que ces théories concernent, la plupart du temps, des actions qui se déroulent au niveau de la cellule, en présence de l'AIA. Mais, au moment de la germination, ou de la reprise annuelle de la croissance pour les végétaux vivaces, on assiste très probablement à des transferts d'auxines libres (fixées sur une protéine : la " transperméase " selon une théorie récente), qui ne sont sans doute pas insensibles à l'éclairement interne, très faible, mais non nul, qui règne à l'intérieur des tissus conducteurs eux-mêmes. C'est de cette façon, peut-être, que l'on pourrait expliquer " l'effet manchon " (Voir page 83).
FIG. 20 - Effets variables suivant sa concentration de l'A.I.A. sur
la crois sance de diverses parties des végétaux (BASTIN
1967, d'après THIMANN).
Pour compliquer les choses, on
a mis assez récemment en évidence l'effet, sur la
croissance, d'autres hormones végétales différentes
de l'auxine ou de l'hétéroauxine : les cytokinines
et les gibberellines notamment, ainsi que diverses vitamines, lesquelles
semblent du reste peu affectées par la lumière (GAUTHERET
- 1959, JACQUIOT - 1964 et 1970).
Le déterminisme de la croissance, vu sous cet angle, est donc des plus complexes. Et, il faut bien le dire, le seul allongement des végétaux, en lumière réduite équilibrée ou à l'obscurité, a été très peu étudié dans ses mécanismes intimes. Pourtant, en matière forestière, ces cas se rencontrent fréquemment, avec une complication supplémentaire : seules les tiges restent ombragées, alors que les appareils foliacés restent en pleine lumière. C'est cette dissociation entre l'effet ralentisseur de la lumière sur la croissance, et l'effet stimulant de la même lumière sur la nutrition carbonée, qui constitue l'un des éléments essentiels, et caractéristiques du milieu forestier.